Quelque part dans un désert, Michaela, une cantatrice italienne, est ficelée sur une voie ferrée où vont bientôt se télescoper deux trains lancés à pleine vitesse. Les train sont expérimentaux et militaires, évidemment. On présume que le premier, Santa Claus, vient de l'Ouest puisqu'il est anglophone et que l'autre, Staline, vient de l'Est. Staline parle russe, comme il se doit. Les deux convois roulent avec la même conviction aveugle et suicidaire. [...]
Heureuse idée que de présenter une oeuvre d'Euripide (480 à 406 avant J.-C). Les cinéastes (Jules Dassin avec Médée et Cacoyannis avec les Troyennes et Iphigénie) avaient bien découvert le filon, mais les gens de théâtre l'avaient, paradoxalement, oublié. Cela se comprend. Les pièces d'Euripide souffrent mal des traductions lyricouniversitaires. Il fallait, pour remettre Euripide à jour et lui rendre sa verdeur, une personne vouée au théâtre et rompue au jeu. [...]
Lorsque débute la saison 1880-1881, Montréal compte 140 000 habitants, majoritairement francophones. Elle a pourtant déjà cet aspect cosmopolite des grandes villes nord-américaines avec ses quartiers ethniques, ses zones réservées, ses rues marchandes et sa place financière. [...]
« Theatre in French Canada: Laying the Foundations 1606-1867 » nous est présenté comme «a history of theatre», mais c'est en réalité une histoire du théâtre écrit que nous propose l'auteur. Doucette, en effet, concentre son étude sur les oeuvres écrites au Canada (par des Canadiens ou par des étrangers, résidants et immigrants) dont le texte, original ou réédité, est encore disponible. [...]
Entre 1898 et 1914, Montréal constitue un centre d'activité dramatique tout à fait exceptionnel. Tant par la qualité des pièces que par le nombre de spectacles offerts, Montréal ne diffère guère des autres one week stands d'Amérique du Nord tels que Toronto, Cincinnati, Pittsburgh, Washington, etc. Mais, c'est en sa qualité de ville bilingue qu'elle acquiert une personnalité théâtrale particulière. [...]
À partir de recherches entreprises “ sur le terrain ” pour comprendre le fonctionnement de sociétés du Nord du Ghana, le professeur Jack Goody qui enseigne actuellement l’anthropologie sociale à l’université de Cambridge, se demande si l’on peut parler d’une spécificité de la pensée écrite. À l’encontre de la tradition qui considère généralement la parole comme le lieu de la vérité, Jack Goody se demande comment la linguistique – la science du langage parlé – peut exister sans l’écriture, étant entendu qu’écrire ce n’est pas seulement noter la parole mais aussi en découper et en abstraire les éléments. Reprenant ainsi les analyses de Jacques Dérida dans De la grammatologie, l’auteur montre que la langue parlée est déjà une écriture dans la mesure où elle nécessite un ton, une ponctuation – ce qui le conduit à soutenir que la parole dans son contenu comme dans son statut marque toujours des références multiples à l’écrit. Il étudie ensuite, à partir d’exemples empruntés à Durkheim et à Mauss, mais aussi à Griaule et à Needham, les transformations que l’on fait subir à la parole et plus généralement à toute information par la transcription écrite sous la forme de tableau de correspondances entre parties du monde, parties du corps etc., ce qui a conduit toute une tradition ethnologique, dont le mouvement structuraliste et notamment Lévi-Strauss, à supposer que la pensée sauvage obéit à des contraintes logiques qui sont en fait, en grande partie, le produit de techniques de transmission et de transcription de la pensée. Prendre conscience que le savoir écrit des sociétés sans écriture, cela ne va pas de soi, c’est ce que montre Jack Goody : parce qu’ils se posent peu la question, les ethnologues, pour connaître la pensée sauvage, commencent souvent par la domestiquer. ‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑ Avant-propos – Préface – 1. Évolution et communication – 2. Des intellectuels dans les sociétés sans écriture – 3. Écriture, esprit critique et progrès de la connaissance – 4. Écriture et classification ou l’art de jouer sur les tableaux – 5. Qui contient une liste – 6. Selon la formule – 7. Recette, prescription, expérimentation – 8. Retour au grand partage
Ce n'est pas seulement une expérimentation littéraire, c'est aussi et d'abord un grand texte, une formidable mise en abîme, forgée dans la chaleur italienne (sable, café, barbecue et cigare) et sous la neige montréalaise (flocons suspendus dans l'air, défiant la gravité), une fenêtre ouverte sur le souvenir d'un étudiant en philosophie, né à Florence, amoureux de H., ami de Peppe le poète, qui traverse les frontières sans bataille — c’est volontairement qu’il laisse des minuscules à tout ce qui touche de près ou de loin aux nationalités —, parti vivre à Pise, puis à Paris, puis à Montréal, et qui un jour rencontra Eugen, celui qui devint « personne itinérante » comme on dit au Québec, qui avait quitté la Roumanie dans le but d'atteindre le Canada en se cachant dans le container d'un cargo, qui dissimula ses papiers dans une gare à Belgrade pour échapper à la police, perdit son identité mais pas la volonté farouche de parvenir à ses fins, Eugen qui était fou comme un personnage de Kusturica, et qui compta jour après jour les kilomètres qui le séparaient de son rêve en buvant de la mauvaise bière volée chez Lidl. Réussira-t-il ?
Issu d’une thèse de doctorat soutenue en 2005, l’essai L’éveil culturel—Théâtre et presse à Montréal, 1898-1914 que Hervé Guay a publié aux Presses de l’Université de Montréal en 2010, se lit presque comme un roman, ce qui indique que cette mutation de la thèse vers l’essai, souvent hasardeuse, a ici parfaitement réussi. On apprécie la précision de l’information foisonnante et la langue élégante et fluide dans laquelle elle est livrée. L’étude de Guay porte sur la critique théâtrale à une période qui est souvent considérée comme un premier âge d’or du théâtre à Montréal, qu’il soit anglophone ou francophone (ou même yiddishophone). [...]
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