Congrès des Sciences Humaines 2016

La Chaire de recherche participera activement au Congrès 2016, dans le cadre de la conférence de la Société Canadienne des Humanités numériques (CSDH/SCHN).

Retrouvez le projet En route pour Calgary, ainsi que toutes les interventions de la Chaire.

PANEL : "Épuisement de la Transcanadienne Montréal-Calgary : représentation ou production de l’espace ?", avec Marcello Vitali-Rosati, Emmanuel Chateau, Claire Legendre, Servanne Monjour, Marie-Christine Corbeil, Erwan Geffroy, Julie Tremblay-Devirieux.

Comment penser l’espace à l’époque du numérique ? Ce panel a pour objectif d’explorer cette question en proposant des pistes de réflexion à la fois théoriques et pratiques. L’espace qui sépare Montréal de Calgary (3607 kilomètres, selon Google, en empruntant la transcanadienne) constituera tout autant le terrain d’étude que le terrain d’exploration de notre groupe de recherche, le Théolinum (Théorie de la littérature à l’époque du numérique). Les réactions suscitées par la perspective de ce voyage, et par notre destination, nous ont conduit à nous interroger : qu’est-ce que cet espace ? Que représente-t-il et comment le pensons-nous, à partir notamment de notre culture populaire ou savante, de notre mémoire, de notre imaginaire littéraire, pictural ou cinématographique ? De quoi est-il fait ? Surtout, en quoi et comment le numérique peut-il l’investir, l’épuiser ou même le produire ?

En effet, aujourd’hui, un premier réflexe consiste à chercher toutes nos informations sur le web, qui regroupe des renseignements historiques, des images, des récits, mais aussi des cartes. Ainsi, cet espace au demeurant relativement vide sur une carte traditionnelle, lorsqu’il est expérimenté à la fois physiquement par le voyage et médiatement par le web, se « remplit » très vite d’une série de valeurs, de symboles, de références cinématographiques et littéraires, de récits historiques et patriotiques. La question qui nous anime est alors la suivante : serait-il possible, pour emprunter l’idée de Perec qui tenta autrefois l’expérience à Paris, d’épuiser cet espace à la fois géographique et imaginaire de la Transcanadienne ? Sur un plan davantage théorique, que signifierait cet épuisement ? Procéderait-il en effet d’une forme d’hyper-représentation – un compte rendu dans les moindres détails de ce qui se trouve factuellement dans cet espace - ou bien au contraire d’une activité de production du réel ?

Pour répondre à ces questions, nous proposons de révéler l’espace de la transcanadienne en le questionnant à plusieurs niveaux. D’une part, nous en ferons l’expérience par le biais d’un voyage en voiture de Montréal à Calgary. Nous documenterons et nous raconterons notre traversée à l’aide d’une série d’outils numériques (écriture en ligne, photos, vidéos). Cette expérience itinérante sera organisée en collaboration avec le Laboratoire sur les récits du soi mobile dirigé par Simon Harel, grâce à la collaboration du coordonnateur du laboratoire, Erwan Geffroy. D’autre part, nous réfléchirons à la façon dont notre voyage, notre inventaire de la Transcanadienne, agit sur la construction même du territoire.

L’hypothèse que nous souhaitons démontrer est la suivante : le numérique constitue autant un outil de représentation que de production de l’espace. Il nous semble indéniable, en effet, que notre regard et notre expérience d’un territoire tel que celui de la Transcanadienne – de même que notre façon de l’organiser en l’écrivant – sont profondément structurés par les outils numériques et leurs agencements : les différentes sources, les cartes interactives, et l’ensemble des informations, données et documents que nous trouvons sur le web. En d’autres termes, notre façon de penser cet espace et de l’envisager passe par la médiation (souvent inconsciente) des outils qui le cartographient, le décrivent et le racontent en le remplissant d’images, de récits et d’informations.

Le panel que nous proposons rendra compte de l’espace Montréal-Calgary tel que nous l’aurons vécu et écrit, mais aussi tel qu’il émerge sur le web. Nos communications feront ressortir un ensemble hétérogène de conjonctures et de niveaux qui contribuent à la construction du territoire, en entrecroisant l’expérience de notre voyage à l’imaginaire de la Transcanadienne – lui-même composé de récits littéraires, du topos du road trip, d’images (photos, dessins ou autre type de contenu visuel géolocalisé), d’histoire (celle qu’on peut retrouver – ou qui n’existe pas encore – par exemple sur Wikipedia en relation aux différents lieux que nous allons traverser). Le panel comprendra 6 présentations, articulées autour de ces différents niveaux :

  1. Parcourir : espace géographique, espace numérique (par Marcello Vitali-Rosati) Aujourd’hui, l’espace de notre société est un hybride de données géographiques et de données numériques. Dans cette première communication, nous allons exposer les principes théoriques et méthodologiques de notre démarche, en partant de l’analyse de l’espace contemporain proposé par Michel Foucault (Foucault 1984) et de sa réinterprétation en contexte numérique (Beaude 2012) ; Vitali-Rosati (2013).
  2. Raconter : l’hypertexte de la transcanadienne (par Marie-Christine Corbeil) Cette seconde communication analysera l’imaginaire de la transcanadienne à partir d’une série d’œuvres littéraires ou cinématographiques qui mettent en scène ou qui racontent la Transcanadienne – et qui forment donc les sous-textes qui structureront notre voyage. Nous explorerons en particulier sur le corpus suivant : Vers l’ouest (Lepage 2011), Toutes mes solitudes (Lemieux-Couture, 2012), Sur la 132 (Anctil, 2012), Yukonstyle (Sarah Berthiaume, 2013).
  3. Éditorialiser l’espace de la transcanadienne (par Emmanuel Château et Nicolas Sauret) En amont de notre voyage, nous allons récolter des informations sur différentes plateformes en ligne (en particulier Wikipédia, TripAdvisor, Airbnb….) et les placer sur la carte de la transcanadienne. L’objectif est de “vérifier” ces informations et de les mettre en relation avec l’espace que nous allons parcourir, afin de comprendre comment l’espace peut aujourd’hui s’éditorialiser.
  4. Cartographier la traversée du Canada (par Servanne Monjour) Nous allons planifier notre voyage à l’aide de cartes numériques (en particulier Google maps et openstreetmaps), afin de questionner leur façon de représenter – ou de produire – le territoire. La question politique de la propriété de ces outils ou de leur aspect commun (openstreetmaps) sera au centre de notre questionnement. Ces dernières – notamment dans le cas de Google maps - sont d’ailleurs désormais composées d’images photographiques nous permettant de circuler “virtuellement” dans l’espace et de réaliser, par des fonctionnalités de travelling optique, ce vieux fantasme d’une représentation à l’échelle 1:1 qui animait déjà XIXe siècle les créateurs de panoramas ou de géoramas (Besse, 2003).
  5. Capter le paysage canadien (par Erwan Geffroy) Si le territoire vient désigner une réalité concrète, géographique et cartographique, il procède aussi d’une culture visuelle à la fois picturale et photographique, artistique ou même amateur. Nous confronterons la construction visuelle historique du Canada aux images issues des nouveaux outils de visualisation du territoire (Google Earth ou Street View). Il s’agit de démontrer le potentiel poétique de ces outils numériques de représentation du territoire désormais combinés à la photographie (Fontcuberta, 2014).
  6. Voyager : Expérience et écriture du territoire (par Claire Legendre et Julie Tremblay-Devirieux) Tout au long de notre voyage, nous allons produire un récit qui rendra compte de notre traversée. À la fois littéraire et numérique, ce travail d’écriture impliquera l’usage d’outils informatiques (de la géolocalisation à la captation vidéo) et la maîtrise des contraintes techniques, temporelles et formelles qu’ils impliquent. Cette dernière partie du panel sera consacrée à la présentation de cette expérience d’écriture soumise aux spécificités du médium numérique (Saemmer, 2011).

COMMUNICATION ET POSTER. Présentation du projet stylo: Repenser la chaîne éditoriale numérique pour les revues savantes en sciences humaines, par Marcello Vitali-Rosati, Emmanuel Château, Arthur Juchereau, Servanne Monjour, Nicolas Sauret, Julie Tremblay-Devirieux, Michael Sinatra

Dans cette présentation, nous nous proposons d’analyser la chaîne éditoriale de production et de diffusion des revues savantes en Sciences humaines francophones, en nous appuyant sur le corpus diffusé par la plateforme Érudit. Nous montrerons les limites et les problèmes que présente une telle chaîne éditoriale, pensée à la fin des années 1990, et qui n’a depuis fait l’objet que de très peu de modifications majeures. Absolument fondamentale en vue d’une diffusion numérique, la structuration des documents et leur balisage sont actuellement reportés à la fin du processus éditorial (c’est l’équipe d’Érudit qui est en charge de leur encodage XML) quand en réalité ceux-ci devraient être envisagés dès la production (par l’auteur lui-même, dès la première révision des articles). À cet égard, il semblerait urgent et logique de réintégrer le travail de balisage et de structuration en début de chaîne. Un tel objectif se heurte cependant au manque de compétences suffisantes de la part des auteurs : les pratiques d'écriture, telles qu’elles existent aujourd’hui, demandent en effet aux chercheurs de traduire leurs connaissances sur le sens des contenus (ce qu’est une référence ou un titre, l’importance d’un mot, etc.) en simples marques graphiques (italiques, gras, type de guillemets, etc.). Or des erreurs se glissent régulièrement au cours de ce processus du fait du recours à des solutions qui ne sont ni tout à fait spécifiques ni tout à fait explicites. Par ailleurs, ce texte formaté graphiquement est actuellement retravaillé en bout de chaîne par Érudit qui cherche à réinterpréter, à partir de ces indices graphiques, le sens du texte. Érudit entreprend alors de transformer ces signes graphiques en balises sémantiques : cette espèce de retroprogrammation implique une perte de temps et d’informations faramineuse. Pour y remédier, notre équipe est en train de développer l'éditeur de texte Stylo. La philosophie de Stylo consiste à remettre dans les mains des chercheurs la gestion du balisage en partant cette fois-ci de leurs compétences, qui sont des compétences sémantiques plutôt que graphiques. L'éditeur proposera un affichage graphique très simple ainsi qu’un balisage très léger mais spécifique, tout en offrant la possibilité d'exporter le texte en XML, en PDF ou en HTML. L'impact potentiel du projet est considérable : il sera en effet possible d’envoyer les contenus déjà balisés sur des plateformes de diffusion des revues (en HTML), sur des sites personnels ou des blogues, sur Érudit (qui adapte en ce moment même sa chaîne de traitement à notre éditeur) ou sur d’autres plateformes de diffusion, mais aussi chez l’éditeur papier qui pourra récupérer une sortie pour inDesign produite automatiquement à partir du fichier XML et du gabarit de la revue. Au cours du congrès, un poster sera présenté afin d’expliquer en détail le fonctionnement de Stylo : cette communication vient compléter la présentation de notre éditeur de texte en analysant consciencieusement les défis posés par cette restructuration de la chaîne éditoriale des revues savantes, à la fois du point de vue des chercheurs, du point de vue institutionnel et du point de vue technique.

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